Son nom représente la Terre, il s'appelle Yakamonéyé.
Dans un de mes moments d’absence qui ne cessent de se répéter depuis que je suis toute petite, je me suis imaginée un monde. Je ne sais pas s’il était bien, mais je l’aimais bien. Dans ce monde, il n’y avait pas de route, que de l’herbe, partout. Le ciel était toujours rempli de nuages blancs, comme ceux qu’on peut voir en une journée d’automne. Il ne faisait pas froid, ni chaud, on était bien. Il pleuvait cinq fois par semaine. Personne n’était malade et les personnes âgées n’étaient donc pas atteintes de la maladie d’Alzheimer. Il n’y avait pas d’école, c’était la famille qui transmettait leur savoir, leur culture et on partait à la recherche d’autres. Il n’y avait pas de mode, pas de boutiques. On s’habillait comme on voulait et c’était nous qui faisions nos vêtements. Il n’y avait pas d’argent, mais du troc. On ne tuait pas les animaux, on était essentiellement des végétariens. Il y avait beaucoup, beaucoup d’instruments de musique. Il n’y avait pas de guerre. Il y avait quelques technologies, un ordinateur pour que je puisse continuer à écrire ici, avec les vieux téléphones fixe à fil, je les adore, c’est tout. Ah, si ! Il y avait aussi les avions, pour qu’on puisse partir dans de nouvelles contrées. Il y avait beaucoup de plages ainsi que la mer. Il y avait des animaux qu’on a jamais vu : un chat mélanger à un chien. Il n’y avait personne au-dessus de nous, il n’y avait pas de hiérarchie. On inculquait nous-même nos valeurs à nos enfants. On avait pas le droit de commettre des crimes : meurtre, vole… De toute manière, on ne connait pas les crimes dans mon monde. On avait tous des couleurs de cheveux différentes : violet, rouge, bleu, vert… Mais aussi des couleurs que je ne connaissais pas, que j’ai inventé : du jaune avec du violet, ça donnait un espèce de bordeaux bizarre avec des touches orange-jaune. Les chats pouvaient parler. Il n’y avait pas de frontières, pas de papiers, on allait où on voulait quand on voulait. Il y avait des arbres à la barbe à papa. Il n’y avait pas de glace, on ne pouvait pas savoir à quoi on ressemblait, à part dans les yeux de quelqu’un ou dans le reflet de l’eau, je trouvais ça drôle. Il y avait une chenille qui fume la chicha comme dans Alice aux pays des merveilles, j’ai toujours voulu en voir une en vrai. Il y avait des sirènes dans la mer, plutôt gentilles. On avait jamais super chaud la nuit, c’est chiant quand on a trop chaud. Bob Marley était encore vivant. Et dans mon monde il y avait beaucoup, beaucoup d’Amour et d’Humanité.
Malheureusement, j’ai dû sortir de mes rêves pour revenir à la vie réelle. Il fallait absolument que je termine ce CV et cette lettre de motivation pour aller travailler bordel de toilettes.
" Il n’y a pas qu’une seule réalité. Il existe plusieurs réalités. Il n’y a pas qu’un seul monde. Il y en a plusieurs, et ils existent tous parallèlement les uns aux autres, mondes et anti mondes, mondes et mondes fantômes, et chacun d’entre eux est rêvé ou imaginé ou écrit par un habitant d’un autre monde. Chaque monde est la création d’un esprit. "
Seul dans le noir, Paul Auster.
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#Alleycat.